http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/national/archives/2011/12/20111213-102748.html
Sans donner le détail de sa stratégie, le gouvernement du Québec confirme qu'il s'adressera aux tribunaux pour obtenir le transfert des données québécoises inscrites dans le Registre canadien des armes à feu.
Entouré d'une vingtaine de représentants de groupes de victimes et de policiers, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a annoncé, mardi, que Québec se tournera vers la cour advenant l'adoption du projet de loi C-19 du gouvernement Harper.
S'il obtenait gain de cause, le ministre déposerait ensuite un projet de loi créant un registre québécois des armes d'épaule.
Avec les données du gouvernement fédéral et le logiciel requis pour les utiliser, une somme annuelle de moins de cinq millions $ permettrait de maintenir un registre québécois.
Par contre, en cas d'échec, il est loin d'être acquis que le gouvernement Charest mette sur pied son propre registre en partant de la case départ, ce qui représenterait une dépense de 35 millions $, minimum.
Le ministre ne craint pas que le gouvernement conservateur détruise les données immédiatement, pour prendre de court toute procédure juridique émanant du Québec.
«Nos juristes nous disent qu'on va respecter le bon "timing" qu'il faut pour nous permettre d'intervenir avant que le registre puisse être légalement modifié», a lancé Robert Dutil en conférence de presse.
Par contre, il n'a pas caché que son coup d'éclat médiatique visait à faire réfléchir Stephen Harper.
«Si ce geste-là pouvait amener le gouvernement fédéral à négocier pour que l'on fasse hors cour, ce serait préférable», a reconnu le ministre.
Après le point de presse du ministre, des représentants du Service de police de la ville de Montréal ont signalé que le registre des armes à feu est nécessaire pour jauger le risque associé à des milliers d'appels faits à la centrale.
«Les cas de violence conjugale, c'est 15 000 appels par année, et les problèmes de santé mentale, c'est 30 000 appels par année. Il y a des cas où nous avons empêché des suicides parce que nous avons localisé des gens en sachant qu'ils étaient en possession d'arme à feu», a expliqué le directeur, Marc Parent.
Le gouvernement Harper ne reculera pas
L'adoption du controversé projet de loi C-19 sur l'abolition du registre des armes d'épaule a été reportée à 2012, mais le gouvernement Harper n'entend pas pour autant céder aux pressions du Québec qui menace de porter l'affaire devant les tribunaux.
Après que Québec eut annoncé ses couleurs, mardi, le premier ministre Stephen Harper a clairement signifié qu'il n'avait pas l'intention de mettre de l'eau dans son vin en transférant à la province les données comprises dans le registre qu'elle exige.
«Notre engagement électoral est très clair», a pour sa part lancé le premier ministre Harper durant la période de questions aux Communes.
«Les provinces ont le droit de poursuivre leur propre politique, mais ce gouvernement ne va pas aider le registre par la porte de derrière», a-t-il martelé.
Le député de Beauce et ministre d'État au Tourisme et à la Petite entreprise, Maxime Bernier, en a rajouté en disant que le registre était constitué de données « inexactes, périmées et désuètes ».
Alors que la séance parlementaire de 2011 tire à sa fin à Ottawa, le bureau du ministre canadien de la Sécurité publique, Vic Toews, confirme que l'adoption du projet de loi C-19 sera reportée à 2012. Cela fait dire à la néo-démocrate Françoise Boivin que les conservateurs cherchent ainsi à « faire durer le supplice » pour « faire plaisir à leur base » et ainsi, selon elle, profiter aux campagnes de financement du parti.
Mme Boivin ajoute que «l'entêtement» des conservateurs va les mener dans une «bataille juridique qui va coûter très cher».
Le député et porte-parole libéral en matière de sécurité publique, Francis Scarpaleggia, estime que la décision de Québec de recourir aux tribunaux témoigne d'un «fossé entre les deux gouvernements».
Il ajoute que cela démontre que le gouvernement fédéral «ne respectait pas les intérêts du Québec».