chasse est-elle chrétienne ?
Jean-Marc Bastière, rédacteur en chef du magazine Famille Chrétienne, se pose la question dans son bloc-notes du numéro 1712 paru le 6 novembre dernier de savoir si la chasse est chrétienne ?
Voici sa réflexion sur le sujet :
La chasse encourt de nos jours les jugements les plus sévères. La sensibilité contemporaine ne comprend pas cette pratique qui consiste à traquer le gibier à poil et à plume pour le tuer.
"Comment peut-on éprouver du plaisir à verser le sang d'un animal ?" entend-on souvent.
Est-ce vraiment le cas ?
Pour comprendre l'essence profonde de la chasse, à rebours des idées reçues, lisez le magnifique livre de Bruno de Cessole (Le petit roman de la chasse, ed° du Rocher), grand chasseur devant l'Eternel, qui dirige le journal Jours de chasse :
"Tout bon chasseur, écrit-il, au moment de la mort de sa proie, éprouve l'ambivalence d'une situation qui met en jeu la relation ancestrale de l'homme avec l'animal sauvage."
A ce moment fatidique, la joie trouble du dénouement se mêle d'une mélancolie profonde.
C'est cet écho venu du fond des âges qu'il est si difficile de percevoir aujourd'hui. Tout bon chasseur le connait, d'une connaissance intime. Pendant des dizaines de milliers d'années, l'homme survécut d'abord comme chasseur. C'est ainsi qu'il se distingua des bêtes sauvages, en les affrontant et en triomphant de leur supériorité physique.
Quand l'agriculture s'imposa, la chasse subsista, mais comme loisir sacré. Le cérémonial qui entoure la vènerie garde la trace de cette dimension sacrificielle immémoriale. C'est ce qui la rend à la fois si belle et, pour une sensibilité moderne, si gênante.
L'indifférence devant la souffrance ou la cruauté gratuite ne sont pas des signes d'humanité. Et c'est un progrès réel que se préoccuper du sort des animaux. Mais la sensiblerie extrême peut masquer parfois un déni des réalités de ce monde.
Il y a quelques décennies, dans la France rurale, on savait ce que c'était de saigner un lapin, un poulet ou un cochon. Maintenant, cette dure besogne, externalisée, industrialisée, est perçue de façon abstraite, irréelle. Les enfants n'en ont plus idée. Comment la chasse, qui nous rappelle cette réalité primordiale, ne pourrait-elle pas choquer ? On ne se nourrit pas moins de volaille ou de cochonnaille, mais la mort est mise à distance, empaquetée.
Saint François d'Assise parlait aux oiseaux et apprivoisa un loup effrayant. Belle image préfigurant une création nouvelle. Mais, n'oublions pas "qui veut faire l'ange fait la bête". Nous sommes du Ciel, mais aussi de la terre.
C'est cette réalité obstinée que nous rappelle la chasse. Saint Hubert, duc aquitain, chassait du matin au soir jusqu'au jour om il vit, entre les bois d'un cerf, la croix du Christ. Bouleversé par cette vision qui révèle sa quête intérieure, il se convertit. Il est aujourd'hui le saint patron des chasseurs.
Le chrétien est-il un chasseur qui s'ignore ?
C'est ainsi du terme latin venator (d'où le mot vènerie) que Saint Thomas d'Aquin nommait le traqueur des vérités éternelles. Nous sommes là loin des fusils et des gibecières sanguinolentes; pourtant les métaphores, mêmes divines, s'enracinent toujours dans l'humus de l'expérience humaine.
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